Comment s’Entrainer pour la Coupe du Monde d’Escalade

entrainement escalade
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L’entrainement en escalade est quelque chose de complexe.

Les grimpeurs et grimpeuses professionnels sont d’ailleurs suivis par des coachs afin d’établir avec eux l’entrainement le plus adapté possible à leur calendrier de compétition.

Comme la coupe du monde de vitesse par exemple.

Mais comment ces champions et championnes s’entraînent-ils ?

Comment font-il pour être prêt le jour J ?

Comment font-ils pour être performant toute l’année ?

Pour répondre à ces questions, j’ai eu le plaisir d’interviewer Anouck Jaubert, vice championne du Monde et championne d’Europe de vitesse 2015 et vainqueur de l’étape de coupe du monde de Chamonix cette même année.

Entrainement grimpe avec anouck jaubert

 

Ce que tu vas apprendre dans cet interview

  • Quelles sont les capacités à développer pour l’escalade de vitesse
  • Quelle est la routine d’entrainement d’Anouck
  • Combien de fois par semaine elle s’entraîne et ce qu’elle travaille pendant ces séances
  • Pourquoi elle ne s’est JAMAIS blessé
  • La façon la plus efficace et durable d’améliorer ton rapport poids-puissance

L’entraînement pour l’escalade de vitesse

 

Salut Anouck et merci de m’accorder un peu de ton temps pour cette interview.

Je suis obligé de revenir sur tes perf de cette année qui ont été simplement énormes !

Est-ce que tu peux nous expliquer ce que ça t’a apporté au niveau personnel ? Ce que tu en retiens ?

Salut François et bonjour à tous les lecteurs de Grimper-Malin.fr.

Pas de souci, ça me fait plaisir de répondre à tes questions. 🙂

Tout d’abord un petit mot sur ma saison alors.

Par rapport à la saison de coupe du Monde précédente : moins de médailles (3 au lieu de 6) mais plus d’or (deux victoires au lieu d’une) et une place gagnée au classement général.

Je suis donc satisfaite de ces résultats !

En revanche je suis un peu déçue par mes performances en termes de chrono. En effet, après avoir réalisé 7’’62 lors du championnat de France en avril, je n’ai pas réussi à faire aussi bien lors des différentes étapes de coupe du Monde…

Au final, je suis 2ème du classement général à un cheveu (10 points) de la victoire.

J’avais pris un peu de retard en commençant la saison par deux quatrièmes places mais j’ai eu plus de réussite par la suite en enchaînant deux victoires et une médaille d’argent.

Comme chaque année, j’ai fait des erreurs et comme chaque année, j’en tire des leçons.

 

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Et quelle est la leçon la plus importante que tu ai apprise?

Il est important pour moi de garder toujours en tête que rien n’est jamais joué d’avance. Tant qu’on n’a pas touché le buzzeur, ce n’est pas gagné et tant que l’adversaire ne l’a pas touché, ce n’est pas perdu!

Mes deux grandes rivales cette année étaient russes : Maria Krasavina (vainqueur du classement général) et Iiulia Kaplina (détentrice du record du Monde en 7’’53).

C’est contre cette dernière que j’ai (enfin) remporté ma première victoire en face à face.

Je connais mes points forts et mes faiblesses, à moi de faire le travail nécessaire…

Anouck Jaubert

 

Quel est ton meilleur souvenir sur la saison qui vient de passer?

Mon meilleur souvenir reste bien sûr la victoire à Chamonix qui m’a permis non seulement de remporter l’étape mondiale mais surtout de devenir championne d’Europe.

C’était un moment vraiment spécial pour moi pour différentes raisons :

  • Je participe à cette compétition depuis 2011
  • C’est la première fois que j’atteignais le podium sur un championnat
  • L’étape de Chamonix est la plus belle du circuit (cadre magnifique, compétiteurs nombreux, public connaisseur, ambiance au top)
  • C’était ma première victoire en France, devant mes parents, mes amis et des membres de mon club
  • J’ai rencontré et battu mes deux adversaires principales
  • Chanter la Marseillaise sur le podium est toujours un moment de plaisir

 

Ça a du être un moment inoubliable…

Tu es donc une spécialiste de la vitesse. Quelles sont les qualités de grimpe que cette discipline implique ?

L’escalade de vitesse est une discipline très exigeante sur différents plans:

Au niveau physique, il est nécessaire d’avoir beaucoup de puissance (c’est-à-dire une combinaison de force et de vitesse) aussi bien dans les bras que dans les jambes. Et pour que les poussées soient efficaces, un bon gainage n’est pas de refus!

D’un point de vue technique, la coordination est indispensable.

Il faut pouvoir gérer chaque membre séparément pour qu’il réalise la bonne action, au bon moment, avec la bonne intensité… Car le moindre placement de pied, de main ou de bassin va influencer toute la cinématique du mouvement.

Le challenge est de réaliser des mouvements à la fois amples, précis et rapides. Et les jetés sont particulièrement difficiles à négocier en conservant la fluidité.

Enfin, les facteurs mentaux interviennent grandement dans la performance. Ils permettent selon moi de faire la différence.

Tout d’abord pour gérer son escalade : l’imagerie mentale est beaucoup utilisée pour visualiser les mouvements et les intégrer progressivement dans le schéma moteur. Elle nous permet d’automatiser la voie dans sa globalité et ainsi de pouvoir se focaliser uniquement sur quelques détails pendant l’ascension.

Puis, la forme des compétitions (duels à élimination directe) donne que très peu le droit à l’erreur. Le sang-froid et la combativité sont donc fortement recommandés.

Il est nécessaire d’être prêt à la seconde S et pas un centième de plus sinon c’est déjà trop tard. Il faut alors être capable de faire abstraction de tout ce qui nous entoure pour ne penser plus qu’à la voie.

 

Quelle est ta routine d’entraînement ? J’imagine qu’elle est adaptée aux différentes échéances que la compétition impose.

Les séances sont bien sûr adaptées par rapport au calendrier de la saison.

On fait varier le volume et l’intensité en fonction des périodes: plus on se rapproche des échéances, plus l’entraînement se rapproche du format compétitif sur les plans techniques et physiques.

Pour nous, la saison internationale s’étale de mai à octobre avec des périodes plus calmes. Le mois de novembre est donc consacré au repos. Les mois de décembre et janvier permettent de « se remettre dedans » donc préparation physique générale, ré-apprivoisement de la voie…

Puis on a trois mois pour développer la force, l’explosivité et les aspects techniques sur la voie.

C’est généralement pendant cette période qu’ont lieu les premières compétitions (régionales puis nationales) qui permettent de caler différents détails, de se sélectionner pour les coupes du Monde et d’être prêt à attaquer la saison.

 

Donc ça, c’est pour la phase de pré-saison.

Qu’en est-il de l’entrainement pendant la période des compétition d’escalade?

Pendant toute la période de compétition, le travail physique vise plutôt à l’entretien qu’au développement car nous avons rarement le temps de faire un cycle de renforcement et de récupérer pour que ce soit bénéfique sur la voie.

Les objectifs sont seulement de maintenir les capacités de puissance, et de corriger des aspects techniques si besoin.

Si le calendrier le permet, on essaye de faire une coupure de 15 jours en été. Cela permet de diviser la saison en deux et de se ressourcer pour repartir plein de motivation et d’énergie.

Attention, tout cela est très théorique, les phases ne sont pas aussi distinctes et des adaptations sont faites en permanence !

Entrainement escalade avec anouck jaubert

 

Oui bien sur, j’imagine. Mais du coup, pourrais-tu nous dire à quoi ressemble une semaine type d’entraînement pour toi ? 

C’est difficile pour moi de donner une semaine type car je m’entraîne en fonction de mon emploi du temps, et il varie en permanence car je suis en école de kiné sur Grenoble.

Mais globalement dès que j’arrive à libérer une demi-journée, je préviens Syl (Sylvain Chapelle, entraîneur de l’équipe de France de vitesse) et je vais à Voiron au pôle France.

J’y vais au minimum trois fois par semaine, plus si possible.

Et sur place, j’associe généralement une séance de grimpe et une séance de renforcement musculaire. Un entraînement dure en moyenne 3 heures.

Côté grimpe, il y a plein de choses à faire sur la voie, contrairement à ce que beaucoup pensent : du volume, du travail spécifique de certaines sections, des duels, grimper lesté ou au contraire délesté… Chaque exercice a son intérêt !

Pour la préparation physique, c’est assez divers aussi : circuits-trainings en tout genre, exercices de coordination, musculation… Je dois avouer que ce n’est pas la partie que je préfère mais c’est ce qu’il faut pour progresser !

 

Comment gères-tu la prévention des blessures ? As-tu des conseils particuliers pour des pratiquants amateurs ? 

La prévention des blessures passe par une hygiène de vie globale : alimentation, hydratation et sommeil.

Mais aussi par des précautions à l’entraînement : s’échauffer progressivement et suffisamment, boire de l’eau, gérer correctement la planification, savoir prendre du repos!!!

Tout le monde en est conscient mais ce n’est pas toujours facile à respecter.

Il faut tout simplement prendre soin de soi et écouter son corps: lorsqu’une douleur inhabituelle, même minime, survient, il est bien de se demander quelles pourraient en être les causes et de les supprimer.

Ces causes peuvent être multiples:

  • Surmenage
  • Mouvement ou préhension traumatisante
  • Blessure ancienne pas totalement remise
  • Problèmes d’ordre psychologique

J’ai pour l’instant eu la chance de ne jamais me blesser (tout au plus un petit orteil cassé).

 

Et en cas de blessure, comment conseilles-tu de réagir ?

Les mots d’ordre seraient pour moi : repos, rééducation et patience.

Car bien souvent les personnes reprennent leur activité trop précocement et cela ne fait qu’aggraver la lésion, relancer la douleur voire en créer de nouvelles par compensation et ainsi allonger la période de «convalescence».

Évidemment, s’arrêter est plus facile à dire qu’à faire… Mais mieux vaut ne pas grimper pendant 3 mois que grimper « à moitié » pendant 2 ans !

Escalade vitesse

 

Niveau alimentation, est-ce que tu suis un programme particulier ?

Non, je ne suis pas de « régime » particulier, j’essaye simplement de manger de manière variée sans excès ni carence.

Il est important pour moi de ne pas me priver et au contraire de me faire plaisir.

Mon poids reste globalement constant et je me sens bien donc je ne me préoccupe pas de cela.

 

Quel conseil en alimentation donnerais-tu à un grimpeur ou une grimpeuse amateur pour optimiser son niveau ?

Je ne peux donner de conseils sans connaître la personne, ses habitudes et ses objectifs. Et puis je ne suis pas nutritionniste… Mais je vais te donner mon avis général sur le sujet.

Il existe différents moyens d’adapter son alimentation et ce dans différents buts.

Certains seraient tentés d’utiliser des compléments alimentaires ou boissons énergétiques pour optimiser leur récupération ou leurs ressources. Je ne suis pas trop adepte de ces choses-là.

 

Pourquoi?

Car si cela fonctionne pour certaines personnes, il est difficile de trouver quelque chose qui soit efficace pour soi parmi les innombrables produits.

Et il faut éviter certains pièges : on ne connaît par exemple pas forcément les substances contenues donc il peut y avoir des effets délétères indésirables.

Tu auras compris mon scepticisme.

Mais l’effet placebo à lui seul peut améliorer tes capacités si tu es convaincus de l’efficacité de ce que tu prends.

A méditer…

Par ailleurs, d’autres personnes veulent adapter leur alimentation pour perdre du poids car c’est selon eux un facteur de performance.

Alors oui, le rapport poids-puissance joue sur la performance mais sache qu’il est plus facile de gagner en puissance que de perdre du poids.

Cela impose moins de contraintes et aura un effet plus durable car le poids évolue de manière fluctuante et la nutrition est quelque chose de complexe.

Alors avant de chercher à tout prix à s’alléger, mieux vaut faire un bilan pour en juger la nécessité.

Et si on veut jouer sur cet aspect, la meilleure méthode est de s’adresser à un spécialiste et surtout de ne pas « faire ses propres expériences ». Il faut être accompagné pour ne pas faire d’erreurs.

 

Quels sont donc pour toi les principes de base à respecter pour avoir une balance énergétique équilibrée?

Il faur selon moi apporter tous les éléments nécessaires à l’organisme (glucides, lipides, protéines…) en quantité suffisante (ni trop, ni trop peu), « Manger cinq fruits et légumes par jour », « Éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé » et « Éviter de grignoter entre les repas ».

Ces spots publicitaires ont raison !

En résumé je conseillerais surtout aux grimpeurs de ne pas se prendre la tête avec cela. Il y a tellement d’autres choses sur lesquelles agir pour améliorer la performance !!!

 

Merci Anouck pour cette interview. Je pense que les lecteurs et les lectrices de Grimper-Malin.fr apprécieront. 😉

Merci à toi François!

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